anthologie

Platane. il  n’y avait pas d’arbres Dans la cour. Nous habitions au fond d’une impasse, enfin, juste avant le fond, car au fond il y avait un immense portail en bois et derrière cet immense portail, les arbres, majestueux, dépassaient. Un jour le portail s’est ouvert et une petite fille est venue me chercher pour aller jouer avec elle – derrière le portail, sous les platanes. Jacaranda. À Asmara les avenues sont bordées de jacarandas. Les fleurs tombent et les rues sont couvertes d’un tapis bleu. Ça sent beau. Ça te fait penser à l’amour. Au crépuscule je m’y promenais avec mon copain. C’était le paradis. Pomme de terre. Petite, j’ai passé beaucoup de temps avec mon grand-père. J’avais une mission régulière : il me donnait une boîte d’allumettes et je devais cueillir les doryphores qui se cachaient sous les feuilles des patates. Les plantes me dépassaient. Pieds nus dans la terre. Moment de grande importance et de bonheur. Poirier. L’odeur des poires tombées par terre qui pourrissent. les guêpes attirées par le sucre. Maman, mes frères et ma soeur. On cueille, ensemble. Et maman fera les bonnes poires au sirop de quelques desserts à venir. Pivoine. Un bon ami m’a offert une pivoine arbustive: “Tu penseras à moi chaque printemps après que je serai parti.” Je l’ai gardée longtemps - et puis j’ai vendu la maison pour venir vivre en France. L’arbuste doit toujours être là-bas - donnant joie aux nouveaux habitants. Mais les pivoines fleurissent encore dans ma tête. Figuier. Trapu et touffu ses branches étaient faciles d’accès. Mon meilleur ami. Trolle. Hautes collines du Vercors, 1970. Pendant la nuit j’entends un son: doux et aquatique, mélancolique et mélodique. Le matin j’écarte les pétales de trolle… Surprise: un grillon enfermé dedans. Maintenant j’associe ce chant à ce jaune d’or de trolle. Rose. Elle me fait penser à papa, décédé il n’y a pas longtemps. Il aime beaucoup la rose. Il fait pousser les roses dans son jardin à Oran. Il a tatoué un rose sur son bras. Ma maman aussi aime les roses - ça doit être pour ça. Cerisier. Les batailles de noyaux que je faisais avec ma soeur, perchée en haut de l’échelle. Belladone. Reine des plantes vénéneuses. Mortelle à faible dose et puissant hallucinogène à très faible dose. Ses baies sont appétissantes et sucrées - dix suffisent à tuer un adulte (trois un enfant). Les sorcières se faisaient un “onguent de vol” à base de ces baies, dont elles se frictionnaient tout le corps. Elles revenaient de leur “trip” convaincues d’avoir été au sabbat. Marronnier. Celui de la maison à Aiglun; j’y avais une cabane. Je jouais là toute seule, je m’isolais, je passais des heures dedans. C’était mon monde. Jir jir. Mon ami à Sabha avait un jardin potager. Il y cultivait les oignons, les citrons et la jir jir (la roquette). Nous nous asseyions entre les rangées de plantes pour discuter, rigoler et jouer aux cartes. Mon ami est toujours là. Nous nous parlons toujours, et nous nous rappelons souvent ces jours. Le buis. Ma grand-mère avait un grand jardin potager. Le sentier qui y allait était bordé de buis. Quel plaisir de croquer une carotte tirée de la terre sableuse des bords de la Moselle, de manger les mirabelles gorgées de soleil, de préparer les conserves de haricots. C’est tous ces souvenirs de bonheur, d’abondance, de partage que l’odeur du buis ravive. Figuier. Lorsqu’Adam et Eve étaient au Paradis Terrestre ce n’est pas la pomme qu’ils ont croqué. Pas de pommier au Moyen-Orient. Mais de figuier, oui. Impatience. Quand nous étions petits à Paris-l’Hôpital nous avions l’habitude d’appuyer sur ses fruits… qui éclataient pour notre plus grand plaisir. Baobab. Le grand baobab de la ferme en Namibie; je me reposais dessous en regardant les oiseaux - kalao, boubou, gangas, serpentaires, merles métallique. Achillée. Elle me fait penser aux plumes du paon. Hêtre. En touchant son tronc on caresse un éléphant. Canne à sucre. Les matins j’étudiais la science et les après-midis je travaillais à planter tomates, pastèques et canne à sucre. C’est un boulot dur, mais en écrasant la canne à sucre t’en fais un jus, et c’est ce jus qui te donne l’énergie pour continuer. Il te rallume comme une flamme. Rhododendron. Celui de ma grand-mère. Dans les fortes chaleurs de Sienne, dans une terre calcaire, cultiver un rhododendron était un gros défi car il aime les acides et le frais. Le rhododendron c’était adapté. Si l’herbe est plus verte ailleurs, il faut essayer d’atteindre ça plutôt que de se contenter des choses comme elles sont. Châtaigner. Mon enfance à Cougourdas: “J’entends dans ma baraque le châtaignier qui craque.” Coquelicot. J’en ramassais dans les champs de blé; ils n’avaient plus de pétales quand je les offrais à ma mère. Saule pleureur. Magie et jeux, mystérieux et gracieux. Sur le chemin de l’école. Empreint de douceur. Sarriette. Le poivre d’âne pour sa saveur avec le fromage de chèvre. Tilleul. Ceux de la maison de famille en Chartreuse; leur ombre et les grandes tablées à cet endroit. Pissenlit. L’odeur du miel de pissenlit que préparait ma mamie. Toute la maison sentait bon. Olivier. Un arbre centenaire, voire millénaire, en Provence Varoise, sur flanc de colline, en bord de forêt. Le jardin des possibles. Je suis gardienne de cette terre. Noisetier. Je marche sur le sentier, je me dirige vers la cascade de Longon, et de chaque côté, les noisetiers. Baguette magique, bâton de sourcier. Garance. J’adore peindre avec sa couleur rouge comme la chair. Je pense au mot incarnation ou bien coeur. Un coeur qui battrait sous terre. Racine du coeur. Tulipe. Chez nous en Afghanistan ma mère en plantait plein; rouge, rose, jaune. à l’automne on mettait les pots à l’intérieur et au printemps on les sortait. Les tulipes signifient la fin de l’hiver. Robinier. Balade à vélo, j’ai cueilli quelques grappes blanches pour faire découvrir aux enfants le plaisir de goûter des fleurs. Petits beignets d’acacia au dessert… mmmh. Cerise. Ma grand-mère les aimait tant qu’elle en avait mangé cent quatre-vingt au dessert. Fraisier. J’étais allergique aux fraises: ça me faisait plein de boutons sur les bras. Maman m’interdisait d’en manger, donc je les mangeais en cachette. Je ne suis plus allergique. Mais maintenant elles n’ont pas le même goût. Bégonia. Quand elle ne voyait presque plus, ma mère distinguait juste la couleur lumineuse de son bégonia jaune. Je lui en ai fait un tableau. le bégonia est devenu un soleil perdu dans une forêt, jaune au-delà du temps. Lilas. Pour ma communion ma mère a cueilli tout le lilas blanc du jardin et a décoré la grande table avec. Toute ma famille était là. J’étais la reine de la fête. Aubépine. Épine blanche de l’aube. Parfum mielleux, délicieux. Petites étoiles blanches du printemps. Buisson abritant les émotions enfantines, les confidences, les amourettes. Hibiscus. L’oiseau mouche butine la fleur. Ma jeunesse sous le soleil des tropiques Guyanais. Mélèze. J’adore son odeur, qu’il soit vivant ou mort - me laisser envoûter, assise au coin du feu, par les flammes et sons qu’il dégage. Géranium. La plante que ma grand-mère adorait. Devant sa maison à Méailles il y en avait plein: les rouges, les roses, les violets. Bambou. La liberté de mon enfance dans le Gard. Il était ma cabane d’enfant. Pommier d’Alexandre. Le plus grand pommier du verger des grands-parents nous servait de poste d’observation, de cabane, de stock de pommes pour jouer à la guerre. Mais surtout de repère. C’était là qu’on allait. Gaba. Treize ans à Adi tsetser, en fin de journée j’allais avec mes amis vers la limite de la forêt. On apportait de l’eau, du gaba (jujubier spina-christi), et nous faisions un feu. C’était notre temps à nous. Marguerite. Je t’aime, un peu, beaucoup, à la folie, pas du tout. Orchidée. Ma maman a toujours pensé qu’elle ne savait pas faire pousser les plantes intérieurs jusqu’à ce que moi et me soeurs lui offrions une orchidée… Chez moi en Normandie il y a plein d’orchidées. Rose. C’est la fleur universelle, la fleur de l’amour. Il y en a à la maison. Pivoine. On habitait en haut de la maison de mes parents à Ronchin. Le jardin était super beau. Un jour mon fils, qui avait deux ans, est monté me voir: “Caramel bonbons maman… Caramel bonbons!” Il avait arraché toutes les têtes de pivoines dans le jardin. Mon père était furieux. Poirier. Un beau poirier dans un champ de quatre hectares… et le mec fait tout pour le tuer. Marronnier. Je suis ton élève. Je suis ton prolongement. Plantain. Si longtemps je l’ai piétiné sans le connaître! Petit plantain, si humble, qui surgit partout, toujours prêt à être utile. Il a un cousin plus célèbre, le psyllium. Mais je préfère le plantain de ma balade. Mousse. Dans les forêts humides de Bazemont. On courait comme des petits fous et lorsqu’on était fatigué on se couchait dans la mousse. Odeur d’humus, de champignons, de terre. Un délice. Châtaigner. La fête du Magosto où on se rejoint pour griller les châtaignes récoltées ensemble. Plein de jeux galiciens, des liqueurs du coin et la compagnie des gens du village. Lavande. Enfant, j’adorais m’enfouir le visage dedans. Coquelicot. Je l’utilise pour en faire de la peinture. Menthe. Infusions, taboulés, rouleaux de printemps. Menthe poivrée. À Khoms, J’ai étudié la phyto-pharmacologie. Je regardais les cellules des plantes pour en faire des médicaments. J’ai étudié des centaines de plantes. Mais la menthe poivrée est l’une des seules dont je me souviens. Ail des Ours. À la montagne à la recherche de l’ail des ours. Orchis bouc. C’est une plante extravagante: une orchidée sauvage d’un mètre de haut dont chaque fleur tire une langue démesurée de dix centimètres. Et qui sent le bouc. Olivier. Ta chaleur en été fait chanter les cigales. Cèdre. Celui du rond-point de Gap. Si ancien que je ne suis pas sûr que mes grands-parents étaient nés lorsqu’il fut planté. Atteint d’un gros champignon blanc qui le rongeait de l’intérieur il fut abattu. Tristesse. Lacaire Améthyste. Un champignon violet comme son nom l’indique. Ca se trouve ici. Rose. Celle du jardin de ma grand-mère. J’ai pu faire des boutures et ainsi la multiplier. Reine Claude. Vacances chez ma grand-mère. Aussitôt arrivé on se gavait de prunes. Elle nous grondait pas, à part si on montait trop haut. Œillet. Robuste et delicat à la fois… et puis la Révolution des Œillets quand même! Olivier. Espoir, persévérance, renouveau, santé. Aromo. Voyages au sud du Chili pour aller voir mes grands-parents. Quand on s’approchait, on voyait plein d’ “aromos”, les mimosas du Chili, tous jaunes. On ouvrait les fenêtres et ça sentait très bon. Ciste Ladanifère. Ma première rencontre avec cette plante en juillet 1991 s’est fait avant de la voir. Une centaine de mètres avant j’ai senti dans l’air surchauffé de l’Esterel, un parfum puissant, résineux, comme un encens. Au détour du chemin je suis en face d’un groupement de cistes. Deux mètres de haut avec des feuilles luisantes et des fleurs blanches aux points grenat. Quelle majesté. Figuier. Si vous voyez un endroit où aucun arbre ne semblerait pouvoir pousser, pensez au figuier. Passiflore. J’ai essayé d’en faire pousser, mais c’est fragile, et ici… Sete Semhar. Elle a presque la même odeur que la lavande. En érythrée t’en mets une feuille dans ta narine et l’odeur t’aide à penser et à ressentir. Olivier. Celui de mon jardin me rappelle l’histoire biblique de Noé et de l’arche. Prunier. Ramassées au bord de la Bléone avec mes filles, les gros pots de confiture dégustés tout au long de l’hiver avec de la brioche. Souci. L’odeur de son feuillage, c’est la couleur verte. J’ai un nez très actif - il n’est pas comme ça pour rien. Rhubarbe. Les tartes à la rhubarbe et à l’amande de Papa. Amandier. Au Pakistan je travaillais dans une pépinière. Je faisais pousser des amandiers. Bouton d’or. Ils annoncent l’été. Derrière la maison, derrière le jardin; un grand pré de fleurs des champs. Sourires et courses folles avec mes soeurs au milieu des grandes herbes. Glaïeul. Ma grand-mère en faisait des bouquets explosifs qui me faisaient penser à des feux d’artifice. Pour moi c’était le 14 juillet toutes les vacances. Olivier de Bohême. Je me promène dans le Jardin des Cordeliers lorsqu’une odeur me déclenche une émotion vive et inconnue. Ce parfum évoque en moi des souvenirs. Mais lesquels? Cette efffluve de jasmin, de monoï, d’orange amère, d’eucalyptus et de prune se mélange à des souvenirs tous aussi éclectiques et vaporeux. Louise Bonne. Sa chair, sa tendresse, sa vitalité. Louise, c’est le prénom de ma grand-mère. C’était chez elle. Basilic. La première fois j’aimais pas du tout. Maintenant j’aime beaucoup. Figuier. Petit, moi et mes copains, on allait piquer des figues dans les jardins autour. Une fois le propriétaire nous a poursuivi en hurlant et jetant des pierres. Il a informé mon père et j’ai eu une énorme fessée. Et pourtant le lendemain je suis parti piquer d’autres figues. Cactus. Soleil, vacances, bonheur. Prunier. Enfant, je grimpais les pruniers. Un jour mes jambes se sont coincées dans les branches. J’étais bloqué tête vers le sol. D’un coup je suis tombé. Je me suis cogné la tête et cassé la jambe. Je monte plus dans les pruniers. Laurier. Ma mère en utilisait souvent pour ses plats en sauce: daubes, boeuf braisé, purée de tomates. Chaque fois que je sens son odeur je le vois mijoter sous un feu délicat. Et j’ai faim. Noisetier. la douceur des petites feuilles vertes du printemps après avoir ôté la gangue malicieuse. Sapin. Majestueux, grand et fière. Jouets le jour de Noël. Baobab. Y en a qui vivent plus de mille ans. Leur échelle de temps n’est pas la nôtre. Tilleul. Vert tendre qui explose; je renais. Ronde des abeilles, senteur des soirées; je flâne. Or des feuilles, chutes feutrées; je rêve. Neige sur écorce noire, la tisane infuse; je cherche la feuille devenue résille. Dentelle de souvenirs. Pommier. Dans mon jardin à Nanghrar j’avais un arbre rempli de pommes. Une nuit il y a eu un gros orage. Le lendemain la pelouse verte fut couverte de belles pommes rouges. Blé. Le premier tabou c’est la domestication des plantes - car c’est la femme qui prend le pouvoir. Figuier. Je croquais des figues, cachée sous le figuier; lecture, rêve et solitude. Marguerite. Une fleur derrière chaque oreille, j’avais pris un stylo pour dessiner une marguerite autour de mon nombril… Quatre ans et déjà hippie. Fougère. Ça fait un peu préhistorique. T’en trouves dans les forêts primaires en Tasmanie. Lavande. Plateau de Valensole. Couleur de blé, couleur de lavande. Mes grands-pères adoraient ça. Platane. Je passais un temps infini à son pied à frotter le sol avec la paume des mains pour faire des tas de poussière douce et grise. Pêcher. Grand, juteux; l’arbre est vert dans les champs. Framboisier. Moi et ma soeur on s’échappait du jardin pour en chercher dans la fraîcheur des sous-bois. Quand on jouait aux indiens mon nom était Petite Framboise. Chêne. Un refuge, un repère, un ami. Je pose ma main sur son écorce. Bambou. Il se penche dans tous les sens. Mais il résiste à tout. Toute. Chaque jour après le travail je rentrais voir mon fils. On sortait dans le jardin pour jouer et grimper dans notre arbre à toutes (mûrier). Maintenant, quand je vois les arbres en dehors de ma fenêtre ici, je pense à lui. Il me manque. Bonsaï. Chez moi en Thaïlande j’avais deux bonsaïs. Maintenant c’est ma grand-mère qui s’en occupe. Ils me manquent. Mûrier. J’ai pleuré quand ils l’ont coupé. J’avais les brebis à l’époque - j’ai pas entendu la tronçonneuse. Ça datait de Francois II. J’aime les vielles choses. Regardez ma voiture. J’aime la nature. Saule Pleureur. Se souvenir. Enfance. Bretagne. Ecorce. Larmes. Vie. Mort. Lui. Décès. Vie. Lien. Ramures. Couper. Pleureur. 21 Septembre. Seule. Lourd. Papy. Pepe. Protection. Pourquoi? Mirabellier. Si généreux, si délicieux. Tout au long de l’année des tartes et des confitures. Tout au long de la vie. Nectar de mon enfance, de mes étés lorrains. La permanence de traditions et mon grand-père - forever. Maïs. J’étais fermier. Le soir, le travail accompli, nous rentrions des champs pour préparer du café et faire griller le maïs sur le feu. C’était le moment où tout le monde se réunissait en une seule famille avant la tombée de la nuit. Figuier. Au coucher de soleil, quand le chant de cigales s’éteint, on grimpait à deux sur la toiture fragile du poulailler. On posait des planches pour répartir le poids et on avançait doucement pour récolter les figues. Après avoir rempli le panier, on s’installait en hauteur pour déguster notre récolte, en regardant les nuages, la vue des campagnes de chez moi. Coca. Petit j’ai pas fait l’école, je travaillais pas, je faisais rien. Et puis vers mes 20 ans j’ai commencé à vendre l’essence, et j’ai découvert que j’aimais la cocaïne. Et ça c’est la fin de l’histoire.

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